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Catharine Parr Traill

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April Overall

De 1831 à 1841, 655 747 personnes quittèrent la Grande-Bretagne dans l’espoir de commencer une nouvelle vie prospère dans le Nouveau Monde. Les émigrants qui faisaient route vers le Canada allaient s’installer dans l’une des cinq colonies britanniques nord-américaines : le Haut-Canada, le Bas-Canada, la Nouvelle-Écosse, le Nouveau-Brunswick et l’Île-du-Prince-Édouard. Catharine Parr Traill était de leur nombre. À bord du Rowley, pour anticiper ce que serait sa vie dans le Haut-Canada, cette femme de lettres nouvellement mariée devait s’en remettre à son imagination et à ce qu’en racontaient des colons qui la précédaient de peu. Catharine laissait derrière elle une carrière pleine de promesses, sa famille (à part un frère et une sœur qui la rejoindraient en Ontario), ainsi que la flore et la faune de la campagne anglaise qu’elle aimait tant.

Heureusement, le Nouveau Monde ne tarda pas à offrir une première découverte à Catharine. Après les cinq semaines épuisantes de la traversée de l’Atlantique, le Rowley jetait l’ancre à 200 milles de Québec. Le mari de Catharine, Thomas Traill, accompagna le capitaine à terre à la Pointe au Bic et ramena à sa femme un bouquet de fleurs sauvages. Quelque appréhension que Catharine ait pu avoir à l’idée de repartir à neuf en Ontario, ces fleurs éveillaient son intérêt. Elle reconnaissait certaines d’entre elles, notamment les gesses et les roses sauvages, mais il y en avait d’autres qu’elle n’avait jamais vues auparavant. Elle les emporta dans sa cabine et les glissa entre les pages de sa bible. Avant même d’avoir mis pied à terre, Catharine souhait apprendre à connaître les espèces canadiennes.

Mais la vie dans le Nouveau Monde n’avait rien d’une sinécure. Catharine et sa famille commencèrent à découvrir véritablement le Haut-Canada lorsqu’ils passèrent par Cobourg, le 31 août 1832, pour se rendre ensuite plus au nord, à Peterborough. Pour une bonne part, la région était encore vierge; elle était remplie de zones broussailleuses, de forêts de pins, de chênes et d’érables, ainsi que de marécages. Afin de s’installer sur une terre, les colons devaient la défricher. Une fois les arbres coupés, ils devaient attendre que les souches pourrissent pour les arracher et ensuite construire leur maison : un délai de sept ans. Et ce n’étaient pas des demeures grandioses qu’on construisait alors – guère plus que des cabanes en bois. En outre, si on souhaitait retenir les services de travailleurs pour les travaux de défrichage et de semis, ceux-ci coûtaient environ deux fois plus cher qu’en Grande-Bretagne. Il s’agissait d’une entreprise de longue haleine qui aurait pu désespérer profondément Catharine, mais elle trouva son réconfort dans les fleurs, par exemple les solidages ou les valérianes à pointes violettes.

Dans les premières années de sa vie dans cette contrée sauvage, Catharine étudia les fleurs qu’elle trouvait et nota leur apparence, leur cycle végétatif, leur valeur médicinale et nutritive, ainsi que les liens entre différentes espèces. Elle en cueillit également toute une série; elle glissait souvent des spécimens entre les pages des livres de la collection de son mari. Lorsqu’elle trouvait des espèces qu’elle ne connaissait pas bien, elle consultait le livre que Frederick Pursh avait publié en 1814, North American Flora. Bien entendu, cet ouvrage de référence n’énumérait pas toutes les espèces végétales de l’Amérique du Nord. Il arrivait donc souvent que Catharine doive nommer elle-même une espèce. Elle écrivit : « Je me crois bien libre de devenir leur marraine, et de leur donner des noms de mon choix. »

En 1836, Catharine exprima par écrit son amour pour la nature canadienne. The Backwoods of Canada (traduit en français sous le titre Les forêts intérieures du Canada) explorait la vie de pionnier. Elle y consacrait 40 pages à la flore et à la faune de l’Ontario. Rédigé à l’intention des femmes de la haute société britannique qui traversaient l’Atlantique pour venir au Canada, The Backwoods of Canada eut tôt fait d’être l’un des livres les plus populaires au sujet de notre pays.

En 1839, les Traill louèrent d’abord une maison à Ashburnham (en face de Peterborough, sur la rive opposée de la rivière Otonabee), et achetèrent enfin une cabane en bois en 1849, qui portait le nom d’Oaklands. Bien que Catharine reçût la somme de 125 livres pour The Backwoods of Canada, cela ne pouvait guère suffire à assurer perpétuellement la survie de sa famille, qui vivait ainsi souvent au jour le jour, aux prises avec la pauvreté. Comme auparavant, Catharine puisait du réconfort dans la nature. Elle écrivit : « Si j’étais médecin, j’enverrais mes patients vivre dans une cabane sous les pins. »

En 1849, Catharine publia Canadian Crusoes, un livre pour enfants mettant en scène des enfants perdus dans les plaines du lac Rice, ce qui représentait un péril réel pour les jeunes du Haut-Canada, car on peut facilement se perdre dans les broussailles, et il y avait peu de sentiers sur lesquels compter. Bien que le livre ait été vendu comme roman, pour Catharine il s’agissait d’un guide de survie qu’elle avait écrit à l’intention de ses propres enfants; elle y donnait des indications précises permettant l’identification de plantes et leur utilisation. Elle écrivit ensuite The Canadian Settler’s Guide, un manuel expliquant aux immigrantes comment assurer leur confort au Canada. Le livre connut un très grand succès; on le retrouvait sur la plupart des navires transatlantiques. Cependant, l’éditeur gardait la plus grande partie des profits et laissait ainsi Catharine et sa famille dans le dénuement.

La décennie 1850-1860 vit la mort du mari de Catharine, ainsi qu’un incendie qui détruisit Oakland. Seule pour la première fois dans cette contrée sauvage, Catharine se consacra aux questions botaniques qui l’intéressaient. Lors de l’incendie, elle avait pu sauver ses manuscrits sur la flore canadienne. Elle acheta un morceau de terre à Lakefield, y construisit une maisonnette et remplit ses jardins de fleurs.

À la fin de la première moitié du XIXe siècle, de plus en plus de gens s’intéressaient aux produits d’origine végétale, et des sociétés d’histoire naturelle se formaient aux quatre coins du pays. C’était le moment parfait pour écrire un nouveau livre sur la nature canadienne. Catharine et sa nièce, Agnes Fitzgibbon, publièrent un recueil d’illustrations et de textes sur les fleurs indigènes. Catharine voulait que les plantes indigènes du Canada conquièrent les cœurs; elle souhaitait aussi exhorter les Canadiens à assurer la conservation des espèces indigènes à l’heure des coupes à blanc. Canadian Wildflowers parut en 1868 et Catharine acquit du renom auprès des membres des sociétés d’histoire naturelle. Elle mourut dans son sommeil, le 29 août 1899. On peut voir ses albums personnalisés au Musée de la nature d’Ottawa.

En hommage à Catharine Parr Traill, que diriez-vous de planter des fleurs indigènes dans votre cour ce printemps? La prochaine fois que vous aurez mauvais moral, vous pourrez aller faire un tour dehors et laisser leur beauté vous ragaillardir. Catharine y trouvait ce réconfort.