Megan Findlay
| Photo par: Ms. Renee Marie Wysynski de Sault Ste Marie, ON |
Les forêts sont très belles à cette époque de l’année : les feuilles qui craquent sous le pas, les mille et une couleurs éclatantes, l’air vif et frais. Pourriez-vous imaginer ne plus avoir le plaisir des promenades automnales? Si le changement climatique se poursuit au rythme actuel, vous pourriez bien mettre de côté vos bottes de randonnée, car l’aspect des forêts de demain sera bien différent de celui des forêts d’aujourd’hui.
Au Canada, la température moyenne a augmenté d’environ un degré au cours des 150 dernières années. Un degré, pour ceux d’entre nous qui sommes habitués au chauffage central, cela peut sembler négligeable, mais pour une planète dont le climat global est un système infiniment complexe et interdépendant qui sous-tend toutes les formes de vie, des plus petites aux plus grandes, sous-océaniques comme subtropicales, un degré peut faire basculer de manière dangereuse l’équilibre de l’ensemble. Des aspects de ce péril sont à présent familiers à tout un chacun; les images d’espèces arctiques se retirant de leur monde qui disparaît, par exemple, sont devenues de tristes symboles du besoin de s’attaquer au changement climatique. Mais les habitats des régions arctiques ne sont pas les seuls à subir des répercussions considérables en raison de températures à la hausse. Si le changement climatique se poursuite au rythme actuel, la nature canadienne connaîtra une transformation importante. L’aspect des forêts de demain sera fort différent de celui des forêts d’aujourd’hui.
Si vous êtes prêts, penchez-vous sur notre boule de cristal. Quel sera l’effet du changement climatique sur les forêts du Canada? Regardez. Que voyez-vous?
Brasiers ardents
Dans des conditions naturelles, les incendies de forêt forment un maillon salutaire du cycle de vie des forêts. Le feu est même essentiel à la pérennité de certaines espèces. Le pin gris de nos forêts boréales, par exemple, a besoin de la chaleur d’un incendie pour ouvrir ses cônes et libérer ses graines. En brûlant les vieux arbres, vulnérables aux maladies, et en libérant les nutriments qui étaient piégés sous les couches de feuilles mortes, les feux rendent également disponibles l’espace et les éléments nutritifs dont ces graines ont besoin pour pousser. Des conséquences graves font bien entendu contrepoids à ces avantages : pour de nombreuses espèces, le feu signifie un déplacement de populations, et la biodiversité naturelle des secteurs qui sont trop souvent la proie des flammes peut se perdre. Le maintien de l’équilibre entre les effets favorables et défavorables des incendies forestiers dépend fortement de la fréquence, de l’intensité et de la durée de ces incendies.
Le changement climatique pourrait bouleverser cet équilibre fondamental. Des modifications observées dans les systèmes de précipitation et de température portent à croire que les forêts seront des milieux beaucoup plus chauds et secs dans le futur. Ces conditions donneront lieu à un accroissement considérable des feux de forêt; certains modèles prédisent une augmentation de cinquante pour cent au cours des cent prochaines années. L’effet transformateur de cet accroissement ne peut être qu’estimé, mais des scientifiques craignent que de nombreuses forêts ne soient plus en mesure d’assurer leur régénération en présence d’incendies plus fréquents.
Maladies et infestations
Des forêts autrefois protégées par des hivers froids deviennent plus accueillantes pour des maladies et des ravageurs exotiques. Le longicorne asiatique, par exemple, est probablement arrivé au Canada enfoui dans le bois de caisses expédiées à partir de la Chine. Aujourd’hui, un climat plus doux et le manque de prédateurs naturels ont protégé de petites populations de ce coléoptère dans certaines zones restreintes du Canada; si le déprédateur étranger prolifère, les conséquences pourraient être dévastatrices pour les forêts canadiennes.
Les insectes indigènes à nos contrées peuvent aussi représenter une menace importante pour les forêts canadiennes exposées au changement climatique. Le dendroctone du pin est l’un des exemples les plus connus; il a attaqué les pins tordus dans un secteur cinq fois plus grand que l’île de Vancouver. Dans des circonstances normales, cet insecte contribue à rajeunir les forêts en attaquant les vieux arbres vulnérables. Au cours de la dernière décennie, exceptionnellement chaude, des étés secs et des hivers plus chauds ont entraîné une épidémie; si ces conditions perdurent, 85 p. 100 des pins tordus matures de la Colombie-Britannique seront morts, ce qui met en péril une grande partie de la forêt boréale de l’Ouest du pays.
Valorisation toute nouvelle
L’impact du changement climatique sur le secteur forestier n’est pas négligeable, bien qu’il soit difficile de prédire quels seront les effets à long terme. La disponibilité de la ressource, compromise par un climat plus sec, des épidémies d’organismes nuisibles et une augmentation des feux de forêt, sera sans doute déterminante pour le secteur forestier au cours des cent prochaines années. La réaction du public face aux pratiques forestières exerce elle aussi un effet transformateur. Avec les périls graves auxquels ils sont exposés, les espaces naturels restants du Canada voient leur valeur sociale rattraper la valeur des produits forestiers. L’approche contemporaine de la sylviculture intensive – qui adapte les pratiques forestières en fonction des besoins et des valeurs sociales de collectivités diversifiées – est en passe de devenir un pilier de l’industrie forestière.
Pour mieux entrevoir ce que l’avenir des forêts du Canada pourrait être, visitez Faune et flore du pays.