
Au fur et à mesure que les journées s’allongent et que les nuits se réchauffent, beaucoup d’animaux dispersés partout au pays sentent l’instinct des rituels printaniers. Bien qu’ils possèdent l’instinct et qu’ils aient un partenaire, qu’arrive-t-il s’ils n’ont pas d’habitat?
Les amours des amphibies
Imaginez que vous êtes à la recherche d’un abri pour l’hiver et que vous ressentez l’énergie du printemps, que votre partenaire ne se trouve qu’à 500 mètres de vous et qu’il est prêt à célébrer la saison à la manière de la nature… cela paraît divin, pas vrai? Mais si vous ne mesurez que 10 centimètres de la queue jusqu’au bout de la langue et que vous êtes un timide compulsif, approcher ces 500 mètres est suffisant pour que vous fassiez une crise cardiaque. Lorsque la salamandre à points bleus sent la pulsion de l’amour pendant les premières nuits chaudes de l’année, elle doit quitter son abri qui se trouve parmi les débris de la forêt et se rendre à l’étang le plus proche - elle doit souvent traverser des autoroutes dangereuses - où elle peut s’accoupler et déposer ses œufs sous l’eau. Vous pouvez regarder un de ces Roméos introvertis en allant faire un tour dans la faune de l’arrière-pays. Comme beaucoup d’espèces d’amphibiens, la salamandre à points bleus est en voie de disparition, surtout à cause de la disparition d’habitat ou de la dégradation.
L’amour à distance
De nombreux animaux affectés par un habitat en voie de disparition sont migratoires, de la salamandre à points bleus à des milliers d’espèces d’oiseaux qui volent jusqu’au Canada chaque printemps et qui parcourent au moins des dizaines de milliers de kilomètres. Par exemple, la paruline à ailes dorée passe ses hivers en Amérique centrale et en Amérique du Sud, et on l’a même vue en pleins ébats dans des arbres à Cuba et dans certaines îles des Caraïbes. Jusqu’à 50 000 couples, ou 18,5 % de la population de parulines à ailes dorées dans le monde retournent au Canada pour se livrer à des jeux d’amour au début mai. Ces petits Casanovas préfèrent retourner sur les mêmes sites année après année, surtout le long des fils d’Hydro, des périmètres de sécurité ou dans les forêts en régénération de l’Ontario, où les buissons et les arbustes servent d’abris pour leurs nids qui ont été construits sur le sol.
Vous pensez peut-être qu’un oiseau assez robuste pour parcourir des milliers de kilomètres par année est capable de résister à la plupart des menaces, mais la paruline à ailes dorées, qui ressemble à beaucoup d’autres oiseaux migrateurs néo tropicaux, est dans une situation périlleuse. La disparition d’habitat force sa proche parente, la paruline à ailes bleues, à déplacer ses aires de reproduction habituelles du nord-est des États-Unis au Canada. Des études montrent que la paruline à ailes dorées disparaît localement dans les 50 ans suivant l’arrivée de la paruline à ailes bleues, à cause de la surpopulation d’aires de reproduction, ce qui contribue à l’hybridation des espèces, et possiblement à la compétition liée à l’extinction. Depuis le milieu des années 1990, la population à ailes dorées a diminué de 79 %, ce qui en fait l’un des plus vulnérables oiseaux chanteurs en Amérique du Nord. Il est considéré comme une espèce menacée par le Comité sur la situation des espèces en péril au Canada (COSEPAC).
Passages protecteurs
En réponse à ces prévisions pessimistes, Environnement Canada (EC) prépare un plan de secours pour venir en aide à la paruline à ailes dorées et beaucoup d’autres espèces, des petits oiseaux jusqu’aux gros mammifères carnivores. En 2009, EC a signé l’entente sur les répercussions et les avantages pour les Inuit, visant à assurer que 18,5 hectares d’une terre sur l’île de Baffin soient réservés aux efforts pour la régénération de la vie sauvage, y compris 11 refuges d’oiseaux migrateurs et cinq aires réservées à la conservation de la faune. Les trajets de passage de la faune font aussi partie de la solution; en reliant ensemble des aires qui peuvent servir convenablement d’habitat, les spécialistes de conservation assurent la diversité génétique et la croissance de population des espèces migratrices. Les tunnels qui se trouvent sur la Transcanadienne, dans le parc national Banff, par exemple, appuient l’un des plus anciens trajets de passage de la faune au Canada, en éliminant la mortalité de petits amphibiens (comme les salamandres) aux wapitis migratoires, jusqu’à 96 %.
Coeur sauvage
Malheureusement, ces mesures à elles seules ne sont pas toujours suffisantes pour assurer la survie des espèces en voie de disparition. Le putois d’Amérique, qui a déjà peuplé la Saskatchewan et l’Alberta avant l’expansion des terres agricoles, a détruit 80 % des prairies mixtes du Canada. Il a aussi été menacé d’extinction jusqu’en 1981, lorsque le chien d’un fermier découvrit une petite colonie dans le Wyoming. Depuis ce jour, des programmes de reproduction en captivité dans toute l’Amérique du Nord ont permis à plus de 6 500 nouveaux-nés de voir le jour. Le 2 octobre 2009, des fonds provenant de la Fédération canadienne de la faune, de l’Association des zoos et aquariums du Canada et du Zoo de Toronto ont permis de libérer 30 putois dans le parc national des prairies de la Saskatchewan, ce qui marque la toute première réintroduction du putois au Canada.
L’ajustement des putois de la captivité à la vie sauvage n’est pas assuré; après tout, une fois que vous êtes habitué à un hôtel cinq étoiles, seriez-vous capable de vous adapter à votre humble habitat naturel? Malgré une « période d'entraînement » rigoureuse, où tous les putois s’accoutument de façon sécuritaire aux conditions naturelles avant d’être libérés, le taux de survie des putois réintroduits n’est que de 20 %, et trois des 18 sites de réintroduction du putois répartis aux États-Unis n’ont pas réussi à établir des populations autonomes. Étant donné que les putois s’accouplent habituellement à partir du mois de janvier jusqu’au début juin, les chercheurs ont étudié de très près cette population afin d’évaluer le succès de sa reproduction. Vous pouvez en lire davantage sur le programme du putois d’Amérique en visitant le site Web du zoo de Toronto.
Raviver la flamme
Malgré la gravité des menaces entourant les espèces du Canada au fur et à mesure que la saison des amours s’approche, on peut apporter notre soutien de bien des manières dans nos propres cours et dans les communautés. Apportez votre appui aux populations d’oiseaux chanteurs dans votre région en bâtissant des abris avec d’autres choses que des branches mortes et des débris provenant de bosquets. Ces abris protègent les oiseaux toute l’année et constituent d’excellents sites de nidification pour les petits mammifères et les invertébrés. Réduisez la prédation des chats en installant un garde prédateur en forme de cône autour des aires de nidification et en plantant une végétation dense au long d’une lisière forestière. Ces plans d’action constituent quelques exemples de ce que vous pouvez faire pour protéger la vie sauvage locale.
Tout comme la salamandre à points bleus timide qui a besoin d’un endroit où amener son partenaire, vous pouvez contribuer à l’aménagement d’un étang dans votre communauté ou faire en sorte que les étangs qui existent déjà contiennent beaucoup de roches et de plantes indigènes afin de créer un abri pour les couples et leurs œufs. Cessez l’usage de pesticides dans votre maison, car les salamandres peuvent absorber des polluants à travers leur peau. De plus, lorsque vous vous trouvez dans une ambiance chaleureuse en compagnie de vos amis et de votre famille le jour de la Saint-Valentin, prenez un moment de répit pour penser aux milliers d’espèces dans l’ensemble du Canada qui sont en train de préparer leurs propres rituels amoureux, grâce à votre appui chaleureux!