Par April Overall

Les drones. Nous les utilisons déjà pour photographier le moment magique où un couple prononce ses vœux. Et, dans un avenir pas si lointain, ils vous livreront à votre porte votre prochain livre du club de lecture. Mais saviez-vous que les drones pourraient devenir un outil essentiel de conservation de la faune? Jusqu’à récemment, les biologistes en conservation devaient se rendre à pied, grimper de grands arbres ou voyager par hélicoptère ou par avion pour pister les animaux. Il n’y avait aucune garantie qu’ils réussiraient à obtenir une photo adéquate, ni même les données les plus exactes. En outre, le fait d’envoyer des chercheurs en régions éloignées peut exiger beaucoup de temps et d’argent. Poursuivez votre lecture si vous voulez en apprendre davantage sur les façons dont les drones transforment le domaine de la conservation faunique.
Les drones au Canada
On ne peut parler de l’utilisation de drones en recherches sur la conservation de la faune au Canada sans parler de David Bird, professeur émérite de l’Université McGill et rédacteur-fondateur du Journal of Unmanned Vehicle Systems. Avec ses collègues Paul Pace, spécialiste des drones du gouvernement du Canada à la retraite, et James Junda, un de ses anciens étudiants à la maîtrise, il travaille à faire avancer l’utilisation de cette technologie dans le domaine de la conservation.
Les chercheurs comme David Bird utilisent habituellement deux types de drones de base dans leurs recherches : les appareils à voilure fixe et les appareils à parties mobiles, aussi appelés « système d’aéronef sans pilote (UAS) ou drones. Les UAS à voilure fixe ont une apparence très semblable à celle des avions, mais sont plus petits et peuvent demeurer dans les airs près de 20 heures (ce qui est idéal pour les recherches au-delà de la portée optique, comme le pistage des groupes de baleines). Les appareils à parties mobiles ressemblent à de petits hélicoptères et demeurent dans les airs environ 20 minutes (idéal pour la prise de photos de nids, par exemple). Les façons dont les chercheurs utilisent ces appareils sont remarquables.
Suivi des migrations
David Bird et ses collègues suivent actuellement les bruants chanteurs dans les îles Gulf. Les chercheurs de l’Université Western en Ontario ont apposé des émetteurs radios sur ces oiseaux pour étudier leurs mouvements locaux et trouver leurs nids. Pour le moment, les chercheurs doivent se déplacer à pied sur l’île équipés d’antennes et de récepteurs portatifs dans l’espoir de capter un signal radioélectrique des oiseaux et de trouver leur emplacement. Mais David Bird croit pouvoir mieux faire. Cet automne, il fixera, avec son collègue Paul Pace, un petit récepteur sur un drone à parties mobiles pour pister les oiseaux. Lorsque le drone survolera l’île, le récepteur indiquera aux chercheurs où les bruants chanteurs ont fait leurs nids.
Contrôle des espèces envahissantes
Des chercheurs des États-Unis ont découvert que les drones peuvent contribuer au contrôle des d’espèces envahissantes. Dans le Parc national Haleakala à Hawaï, la mauvaise herbe envahissante miconia menace les plantes indigènes de la région. En 2012, les chercheurs ont utilisé un drone pour survoler le parc et prendre des photos afin de trouver les endroits où poussait le miconia. Les photos prises par le drone ont permis de repérer le miconia pour que les conservateurs du parc puissent désherber.
Lutte contre les braconniers
Au Kenya et au Népal, les éléphants et les rhinocéros risquent d’être tués par des braconniers pour leurs défenses. Pour lutter contre cette pratique répréhensible, les agents de protection utilisent des drones pour trouver les braconniers afin de les faire arrêter par les autorités. « C’est le fait que les drones pourraient se trouver dans le ciel qui a le potentiel de décourager les braconniers, » précise David Bird. « Au Népal, cette démarche fonctionne bien. Le braconnage est passé à presque zéro pour cent en raison des drones. »
Repérage des nids
David Bird et Paul Pace travaillent avec le propriétaire d’une ferme de plaisance à Kincardine en Ontario. Tom Franklin cultive de la luzerne pour ses vaches et il a remarqué que le goglu des prés aime faire son nid dans sa culture. Afin de protéger les nids durant la récolte, les trois hommes veulent qu’un drone avec caméra infrarouge survole le champ pour repérer la signature thermique émise par les nids et ainsi localiser leurs emplacements. Ainsi, M. Franklin pour éviter de déranger les nids durant la récolte.
Épargne de vies
Voici une statistique peu réjouissante : les accidents d’aéronefs à faible tonnage sont la première cause de décès de biologistes qui étudient la faune. Une étude publiée en 2003 dans le Wildlife Society Bulletin indiquait qu’entre 1937 et 2000, 91 biologistes et scientifiques ont été tués dans des accidents d’avions ou d’hélicoptères. De plus, 60 de ces 91 vols planaient à faible altitude afin d’observer et de pister des animaux. Cela étant dit, les drones ne remplaceront pas les biologistes de la faune. Selon Bird, « il faudra toujours aller où l’on veut faire notre travail. Si l’on veut étudier les ours polaires dans l’Arctique, il faudra s’y rendre. Et il arrive qu’un avion piloté par un humain soit nécessaire. Les appareils à parties mobiles ne peuvent pas compter les loups, par exemple, parce que cette espèce doit être suivie au-delà de la portée optique, ce qui est rarement permis par Transports Canada pour le moment. »
Vérification des nids
Les recherches sur les nids des oiseaux de proie sont particulièrement difficiles puisque bon nombre de ces espèces font leur nid sur la saillie d’une montagne ou dans de très grands arbres. Pour tenter de compter les œufs ou les oisillons d’une couple de rapaces, les chercheurs doivent grimper jusqu’au nid, ce qui prend du temps, est dangereux et cause du stress aux parents oiseaux. Ils peuvent aussi avoir recours à un hélicoptère piloté par un humain, ce qui est plus envahissant, potentiellement mortel et pas très écologique. David Bird et James Junda utilisent des appareils à parties mobiles pour saisir toute l’information sur les nids des balbuzards pêcheurs, des pygargues à tête blanche, des buses rouilleuses et des buses à queue rousse. Mieux encore, la qualité des images obtenues par les drones permet aux chercheurs d’estimer l’âge des oisillons et d’évaluer la façon dont le mâle et la femelle réagissent au drone.
Évaluation de la santé des populations fauniques
Ce n’est pas un secret que la majorité des activités humaines dérangent la faune. Les chercheurs ont trouvé que l’utilisation de drones dotés d’appareils photo a permis de photographier des moments très intimes dans la vie des animaux, comme la majorité des individus ne semblent pas dérangés par ces appareils. Récemment, des chercheurs canadiens ont utilisé un drone qui planait qu’à 30 mètres au-dessus d’un groupe d’épaulards au large de la côte de la Colombie-Britannique pour évaluer la santé des individus. Grâce aux données recueillies, ils ont pu déterminer quels épaulards étaient mal nourris et quelles femelles étaient enceintes.
Les drones vous fascinent? Ne manquez pas la prochaine édition qui expliquera les défis à relever dans l’utilisation de ces appareils et aussi les possibilités qu’ils offrent au domaine de la conservation.