
Les migrations massives constituent l’une des grandes merveilles du règne animal. Comment les animaux s’y prennent-ils? Quels préparatifs sont nécessaires à ces voyages qui leur font traverser des océans et des continents? Comment assurent-ils leur coordination mutuelle et comment savent-ils où aller? Poursuivez la lecture pour savoir par quels moyens les animaux de ces cinq espèces relèvent, année après année, le défi de se rendre à l’autre bout du monde et d’en revenir.
Sterne arctique
Petits oiseaux étonnants, les sternes arctiques (en haut) sont les championnes des grandes migrations : elles font chaque année un aller-retour entre l’Antarctique et leurs aires de reproduction dans l’Arctique (une distance annuelle d’environ 40 000 kilomètres). Les jeunes effectuent la migration aux côtés de leurs parents, souvent seulement une dizaine de jours après qu’ils savent voler, soit environ un mois seulement après leur naissance : quelles vacances en famille! Avant le départ, les sternes arctiques mangent autant de petits poissons et de crustacés qu’elles le peuvent afin de se constituer des réserves adipeuses qui leur donneront de l’énergie pendant le long voyage. Dans la phase de préparation, elles se rassemblent à des endroits qui semblent déterminés à l’avance et elles s’orientent dans la direction du voyage qu’elles souhaitent entreprendre. Leur adaptation à ce voyage est manifeste : elles le ponctuent de courtes haltes de ravitaillement au milieu de l’Atlantique, dans des zones leur offrant une nourriture abondante.
Thon du Pacifique
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Photo: OpenCage.info |
Les thons du Pacifique ont un cycle de migration annuel, mais ils ne retournent pas nécessairement à leurs frayères chaque année. Au cours des premières années de leur vie, ils quittent les lieux où ils sont nés, au large des côtes méridionales du Japon, et effectuent une longue traversée du Pacifique jusqu’aux eaux côtières de la Californie et du Mexique (un voyage de 10 790 kilomètres environ). Les jeunes thons restent alors dans le Pacifique Est tout au long de l’année et font des migrations saisonnières entre les latitudes de la Basse-Californie du Sud et celles de la frontière entre la Californie et l’Oregon. Ces voies migratoires semblent suivre les aires présentant une nourriture (d’autres poissons, des crustacés et des calmars) particulièrement abondante. Cette tendance à se déplacer vers les aires d’alimentation les plus riches n’est pas étonnante. Lorsqu’ils deviennent reproducteurs (vers l’âge de cinq ans), les jeunes thons se nourrissent amplement afin d’avoir assez d’énergie pour traverser à nouveau l’océan, en sens inverse, et retourner à leurs frayères dans le nord-ouest de la mer des Philippines et dans la mer du Japon.
Tortue luth

Les tortues luths effectuent des migrations tout au long de leur vie. Dès leur première nage, les nouveau-nés de l’Atlantique et des Antilles s’efforcent de rejoindre les eaux du Gulf Stream, dans lesquelles ils trouvent une grande quantité de sargasses flottantes. Cette nourriture répond à leurs besoins énergétiques particulièrement importants dans cette période de leur vie. Après avoir ainsi fait le plein, ces jeunes tortues entreprennent une migration de 8 000 km qui les mènera dans des aires d’alimentation de l’Atlantique Nord où elles passeront de deux à sept ans. Ayant bénéficié d’une bonne alimentation et d’une bonne croissance, elles pourront ensuite se rediriger vers les aires de reproduction d’où elles viennent. On pense que les tortues luths effectuent une migration vers une nouvelle aire d’alimentation principale lorsqu’elles sont en âge de se reproduire, et qu’elles y restent très probablement toute leur vie, sauf dans les périodes de reproduction. Ces aires riches en méduses et en salpes, des animaux au corps mou dont les tortues se nourrissent, leur permettent de bien se ravitailler pour la longue migration de nidification vers le sud.
Vous voulez suivre la migration des tortues luths? Jetez un coup d’œil à la Grande Course canadienne des tortues de la FCF. À l’aide de techniques de repérage par satellite, nous suivons la progression quotidienne de tortues luths qui ont été munies de balises au large de la Nouvelle-Écosse!
Monarque

Voilà une imposante migration pour de si petits animaux. Les monarques franchissent une distance d’environ 7 000 km à l’automne. Ils voyagent alors du Canada jusqu’au Mexique, où ils ont des aires d’hivernage. L’aspect le plus intéressant de cet exploit, c’est que les monarques qui se dirigent vers ces aires d’hivernage n’y sont jamais allés auparavant : la destination n’est atteinte qu’au bout de trois générations! Aux mois de mars et d’avril, les monarques entreprennent le voyage vers le nord; ils se dirigent vers la côte du golfe du Mexique des États-Unis, où ils déposent leurs œufs sur des asclépiades. Deux ou trois pontes ont lieu dans cette région, et c’est la progéniture qui y voit le jour qui poursuivra la migration vers le nord, jusqu’au Canada, jusqu’à d’autres aires de reproduction. Les multiples générations apparaissant au cours de la migration vers le nord sont essentielles pour compenser les pertes que subit la population dans ses aires d’hivernage. Lors de la migration annuelle vers le sud (qui commence au début du mois d’août), les monarques recherchent avidement le nectar des fleurs qui leur donnera l’énergie nécessaire pour atteindre les contrées méridionales et y passer l’hiver (les réserves adipeuses qu’ils obtiennent ainsi sont également essentielles pour la migration printanière vers le nord, avant l’apparition du nectar).
Caribou de la toundra

Parmi les mammifères, ce sont les caribous qui effectuent les plus longues migrations terrestres. Ils font chaque année un aller-retour de près de 5 000 km entre leurs aires d’hivernage et leurs aires de mise bas. Ils passent l’hiver dans les zones forestières de la taïga, où ils se constituent des réserves adipeuses en mangeant des lichens terricoles et corticoles (des aliments riches en énergie). Dès que la neige est fondue, ils se tournent plutôt vers la verdure fraîche, par exemple des cypéracées et les jeunes feuilles qui s’ouvrent, car il s’agit de bonnes sources de protéines, et les femelles en gestation en ont besoin d’une grande quantité pour la lactation. Lors de la migration printanière, ce sont ces femelles en gestation qui ouvrent la marche. Des centaines de kilomètres doivent être franchis entre la taïga et leurs aires de mise bas relativement restreintes dans la toundra. Pendant l’été, les caribous continuent de se déplacer afin de ne pas surpâturer dans un endroit donné; ils mangent continuellement pour accroître leurs réserves adipeuses en prévision de la période de rut, à l’automne, et de la migration hivernale. Lorsque l’été avance et que la verdure perd de la qualité, c’est à nouveau de lichens qu’ils s’alimentent pour se constituer des réserves adipeuses et se préparer à l’hiver.