Par Cooper Langford Photo de TJ Watt
L’île de Vancouver l’a attrapé. Et le biologiste Stan Orchard pense avoir un remède.
Il y a de cela quelques décennies, le territoire du ouaouaron se limitait à l’est des États-Unis et au sud-est du Canada, y compris le Québec et l’Ontario. Aujourd’hui, cette grenouille est un phénomène mondial, répandu partout en Amérique du Nord et du Sud, ainsi qu’en Europe et même dans certains endroits en Asie. Il ne s’agit pas de bonnes nouvelles. Ces grenouilles — qui se sont multipliées du fait de leur élevage, recherchées qu’elles sont pour leurs cuisses charnues — sont devenues une des espèces envahissantes les plus problématiques, selon l’Union internationale pour la conservation de la nature.
Le Canada, malgré ses populations indigènes dans certaines régions, n’a pas échappé aux défis posés par le ouaouaron. Le problème est particulièrement aigu sur l’île de Vancouver, où les voraces colonies se sont répandues en s’attaquant aux espèces indigènes et en empiétant sur le reste de la faune, y compris sur des espèces à risques telles que la tortue peinte de l’Ouest.
Depuis leur apparition vers la fin des années 1980, les grenouilles se sont déplacées vers la côte est de l’île de Vancouver sans grande résistance. Toutefois, elles ont trouvé leur pire ennemi en Stan Orchard, fondateur de Bullfrog Control Inc., qui a développé des méthodes pour les repousser et — lorsque le financement est disponible — qui est prêt à se retrousser les manches.
« Avec cette espèce envahissante, la situation est hors de contrôle », nous dit Orchard, un biologiste qui dirigeait auparavant le programme d’herpétologie du Royal British Columbia Museum et a travaillé à travers le monde avec l’UICN sur la conservation des amphibiens. « Nous n’avons pas de prédateur qui pourrait contrôler la croissance de la population de ouaouarons. Chaque année, certaines femelles produisent jusqu’à 20 000 oeufs. Même si seulement 10 % de ceux-ci franchissent le stade du têtard, on obtient quand même 2 000 grenouilles qui se rendent au stade juvénile pour chaque femelle. »
Un des défis posés par le contrôle des ouaouarons est la question de savoir comment les évincer des lacs et étangs dans lesquels ils élisent domicile. Les méthodes conventionnelles, telles que les armes à feu, les harpons et l’assèchement de leurs habitats, se sont avérées inefficaces. Orchard, toutefois, a développé un instrument qui semble fonctionner. Cette tige de deux mètres de long, qu’il appelle l’« electro- frogger » (le « grenouilleur électrique »), lance une décharge électrique dans un court rayon autour du contact avec l’eau lorsqu’on appuie sur le bouton, ce qui paralyse les ouaouarons touchés et permet de les capturer avec une puise, pour les supprimer sans cruauté.
« Nous avons réussi à récolter des ouaouarons à raison de 300 en environ deux heures et demie », soutient Orchard. Il ajoute toutefois que l’éradication n’est pas un travail d’une seule nuit. Cela prendra des efforts soutenus — non seulement quelques nuits successives, mais plusieurs saisons pour s’assurer de mettre un frein à la reproduction.
Là réside le défi du contrôle des populations de ouaouarons. Orchard réclame des programmes de contrôle depuis plusieurs années. Pour l’instant, toutefois, les gouvernements ont été lents à créer de tels programmes, particulièrement lorsqu’ils ne faisaient pas face à une menace imminente, comme une invasion de ouaouarons dans leurs sources d’eau municipales.
Toutefois, même si Orchard n’a pas réussi à mettre en oeuvre les projets à long terme qu’il espérait lorsqu’il a lancé Bullfrog Control, son travail a mené au développement de techniques de contrôle efficaces. « Nous avons réussi à déterminer ce qu’une équipe de deux est capable d’accomplir, ce qui est plutôt considérable », affirme-t-il. « Plus nous aurons d’équipes dispersées sur le territoire, plus nous nous en débarrasserons rapidement. C’est faisable. »
Les critiques ont remis en question la démarche d’Orchard en affirmant qu’il n’existe aucune preuve que la progression des ouaouarons peut être arrêtée. Il leur répond toutefois en leur rappelant l’exemple de l’éradication réussie des rats en Alberta, alors qu’ils menaçaient l’industrie céréalière. « Ils ont commencé dans les années 50, et ont maintenu leurs efforts. Vers 1990, il n’y avait plus de rats en Alberta. » En d’autres mots, l’éradication peut fonctionner — elle nécessite toutefois la volonté d’aller jusqu’au bout.
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