Par Sean Brillant, Ph.D.

L’aquaculture a pris son essor au Canada dans la décennie 1980-1990. Aux quatre coins du pays, on élève maintenant pour consommation des poissons, des crustacés et des mollusques de plusieurs espèces, mais la production la plus importante et présentant la plus grande valeur est celle de saumons atlantiques. La très grande majorité de ces saumons sont élevés en milieu marin en Colombie-Britannique (où il ne s’agit pas d’une espèce indigène), au Nouveau-Brunswick, à Terre-Neuve-et-Labrador et en Nouvelle-Écosse.
On retient ces saumons dans des cages qui flottent dans l’océan (il s’agit essentiellement de milieux ouverts). On installe habituellement les cages à des endroits où elles sont à l’abri des tempêtes, mais où elles bénéficient quand même d’une bonne circulation de l’eau. Souvent, l’élevage a ainsi lieu dans des baies abritées ou à proximité de l’embouchure des cours d’eau.
En mauvaise santé
Comme toute forme d’élevage d’animaux en grand nombre, la salmoniculture implique le regroupement à forte densité des animaux dans un espace où on les garde, ainsi que la nécessité de les nourrir et de leur administrer des produits pharmaceutiques afin qu’ils conservent leur santé dans ces conditions non naturelles. Toutefois, à la différence des formes d’élevage pratiquées en milieu terrestre, la pisciculture en milieu ouvert permet un passage direct de maladies, de parasites, de nourriture et de produits pharmaceutiques dans le milieu marin environnant.
Il y a tout lieu de s’inquiéter des diverses répercussions de l’aquaculture sur l’environnement, et notamment des effets défavorables qu’elle pourrait avoir sur les populations avoisinantes de saumons sauvages. Le Comité sur la situation des espèces en péril au Canada (COSEPAC) indique que bien des populations de saumons atlantiques du Nouveau-Brunswick et de la Nouvelle-Écosse, ainsi que plusieurs espèces de saumons du Pacifique sont en péril. Les risques que représente la salmoniculture en milieu ouvert sont donc particulièrement importants.
Pour aller au fond des choses
Afin d’évaluer l’aquaculture à partir de données fondées, la FCF a procédé à un examen détaillé des publications scientifiques portant sur les effets environnementaux de la salmoniculture. Certaines études ne relevaient pas d’effets environnementaux significatifs, tandis que d’autres si. La conclusion logique est que nous ne pouvons pas supposer que la pisciculture en milieu ouvert n’a pas de répercussions sur l’environnement. À l’évidence, elle en a dans certaines conditions (même en présence d’une bonne gestion) et dans certains endroits. Si la pisciculture ne nuit pas aux populations de saumons sauvages, tant mieux, mais cela n’a pas été démontré de manière adéquate. C’est la perspective inverse qui serait grave : que l’aquaculture détruise nos populations de saumons sauvages sans que nous le sachions.
Dans ce contexte d’incertitude, nous pouvons raisonnablement conclure que le fait de laisser ce secteur d’activité se développer revient à un manque de précaution.
Mettre fin à la tendance
Aussi, en reconnaissant les retombées économiques de la pisciculture, la Fédération canadienne de la faune et son conseil d’administration souhaitent voir cesser la pisciculture en milieu ouvert sur l’une et l’autre côte du Canada d’ici dix ans et, en attendant, voir imposer un moratoire contre le démarrage de nouvelles exploitations piscicoles. Cette position est conforme aux conclusions auxquelles sont arrivés de nombreux autres organismes qui s’intéressent à la situation d’espèces sauvages au Canada, notamment la Fédération du saumon atlantique, la Société royale du Canada et la Commission d’enquête sur le déclin des populations de saumon rouge du fleuve Fraser (la Commission Cohen).