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On ne trouve que deux sous-populations de tortues-molles à épines (Apalone spinifera) au Canada; leur survie dépend ainsi de manière cruciale de la qualité de l’habitat dont elles disposent. Ces reptiles ont cependant besoin d’un habitat présentant de nombreuses caractéristiques précises, et les répercussions des activités humaines peuvent les priver de logis. Compte tenu de la situation actuelle, l’espèce figure depuis 1991 dans la liste des espèces menacées du Comité sur la situation des espèces en péril au Canada (COSEPAC).
Le Programme pour les espèces en voie de disparition de la Fédération canadienne de la faune accorde 20 000 $ à Patrick Paré, biologiste et directeur des services éducatifs, de la recherche et des questions environnementales au Zoo de Granby pour déterminer l’emplacement des sites de nidification de la tortue-molle à épines, suivre de près leur évolution et assurer leur protection.
Terrains recherchés
La tortue-molle à épines a deux sous-populations canadiennes : l’une se trouve dans le système de la rivière des Outaouais, du fleuve Saint-Laurent, de la rivière Richelieu et du lac Champlain, et l’autre dans la région du Lac Sainte-Claire, du lac Érié et de l’ouest du lac Ontario. Bien que la superficie couverte puisse sembler énorme, les tortues ne s’installeront dans un endroit que s’il présente plusieurs caractéristiques précises. Elles doivent avoir accès à une zone de sable ou de gravier propice à la nidification, située près de l’eau et dépourvue de végétation, à des zones sablonneuses peu profondes dans lesquelles elles peuvent s’enfouir, à des bassins profonds (d’au moins un mètre) dans lesquels elles pourront hiberner et à des espaces où elles pourront se chauffer au soleil. Bien entendu, leur habitat doit également être accueillant pour leurs proies préférées : écrevisses, têtards, menés et insectes aquatiques.
Divers obstacles se dressent sur le chemin de la tortue-molle à épines dans sa quête d’un habitat qui réponde à ses besoins. Le développement urbain et agricole le long des rives et la consolidation de ces rives peuvent restreindre la capacité de la tortue à se déplacer des endroits où elle se fait chauffer au soleil à ses aires de nidification, ou des bassins profonds aux zones sablonneuses. De telles difficultés d’accès l’obligeraient à parcourir chaque jour de longues distances, ce qui au bout du compte rendrait son habitat inutile et la contraindrait à déménager.
Œufs aussi
Comme les tortues-molles à épines ont du mal à trouver un endroit idéal où elles peuvent élire domicile et pondre leurs œufs, elles doivent souvent utiliser une aire de ponte commune. Une fois que l’emplacement a été déterminé – il s’agit habituellement de rives sablonneuses –, les tortues pondent environ 20 œufs par couvée. Il se trouve cependant que les êtres humains, pour leurs loisirs, recherchent eux aussi les plages; cela peut constituer un obstacle à la nidification de ces tortues facilement dérangées. Et pour les œufs, les difficultés ne s’arrêtent pas là : il y a les œufs inféconds, les variations du niveau de l’eau, les eaux d’égout et les prédateurs, comme les ratons laveurs, les renards et les mouches sarcophages.
Pertinence des recherches de M. Paré
Les populations québécoises de tortues-molles à épines résident dans deux secteurs : le lac Champlain et Saint-Pierre-de-Véronne-à-Pike-River. Patrick Paré cherche à évaluer l’état de la seconde population et à suivre son évolution. En avril, mai et juin, M. Paré et son équipe de recherche captureront deux femelles à l’approche de Saint-Pierre-de-Véronne-à-Pike-River afin de les munir de transmetteurs qui permettront de les suivre dans leur recherche de sites de nidification. De juin à octobre, l’équipe repérera l’emplacement des sites de nidification et les protégera contre les prédateurs à l’aide d’un treillis métallique. Elle procédera à des visites fréquentes des sites afin d’y surveiller les risques d’inondation, la prédation et la croissance des végétaux. À l’automne, les chercheurs visiteront à nouveau les sites de nidification pour déterminer la proportion des œufs éclos et des œufs qui ne se sont pas développés.